La joie vise juste

La joie vise juste

A mes debuts de pratique on me demandait souvent si je trouvais le Kyudo 楽しい (tanoshi, joyeux, plaisant). Mais quand on commence, je ne pense pas que le Kyudo soit vraiment joyeux. Carrément stressant et frustrant, ca oui. J'avais fait quelques exercices mentales a l'époque de me mettre dans un état de joie et en effet ca donnait de bons résultats, rapidement mis en doute par d'autres facteurs.

Il y a quelques semaines, ma femme a reçu cette directive d'un sensei: "Le Kyudo ce n'est qu'un loisir, ce n'est pas sérieux, il faut le faire avec plaisir et avec joie".
J'ai pris cette directive pour moi et j'ai décidé de mettre la Joie au coeur de ma pratique et les résultats sont la. Je partage dans ce qui suit mon avis complètement personnel ; ce n'est que mon sentiment.

La Joie a un pouvoir incroyable !

Le premier effet de la joie est de faire partir le stress et l'angoisse. Le stress de la compétition, de l'examen ou simplement de s'offrir au regard des autres. La joie donne la force d'être indépendant et libre.

Moins de stress c'est aussi un corps moins tendu, plus souple, plus naturel. La Joie denoue les noeuds et fait oublier les douleurs.

La joie régule le souffle. Le souffle est plus profond, mue par le hara car la joie loge dans les tripes.

La joie est un rempart contre les mauvaises pensées, celles de l'ego, celle de la cible,...
Tirer avec la joie c'est finalement mettre en accord son envie de toucher avec celle de bien tirer sans viser.

La joie c'est le plaisir d'être la au moment present. Il n'y a pas de passé, pas de Dan, pas de score, il n'y a pas de futur, pas de cible touchée ou manquée, pas de premiere et deuxième flèche, pas de "que va penser le sensei". On est dans le present.

La joie est physique, sensuelle, matérielle. J'ai un peu l'impression que c'est comme faire l'amour: on donne, on se donne, le corps vit, l'âme est grande, on est soi-même, sans fard. C'est la joie de faire apparaitre son "beau". La joie cree ce "flow" mentale que beaucoup recherchent. Elle permet de "lâcher", un terme bouddhique très important.

Il me semble que le Kyudo est tellement compliqué que la Joie est le seul moyen de l'appréhender. Il faut "lâcher" l'idée de comprendre le Kyudo. Il ne faut pas se prendre la tete, ne pas trop réfléchir et juste laisser la joie nous guider. Elle vise juste !

Il faut s'amuser.

Il faut nourrir la joie de partager aussi, d'être en lien avec les autres, surtout les débutants qui ont besoin d'être rassurés et encouragés. La joie nourrit la compassion. La compassion envers ses propres défauts et ceux des autres, la tolerance, la comprehension que le chemin est long et qu'il n'y a pas un seul chemin unique en plus.

Le coté magique de la Joie est qu'elle peut apparaitre sur commande avec un peu d'entrainement et désormais je ne rentre plus sur le Shajo sans avoir appuyé sur le gros bouton rose.

Je m'impose cette petite routine de la Joie:
1-  A Dozukuri, je pense a presenter mon arc et ma flèche aux Kami dans le Kamiza comme un enfant présente son dessin a ses parents.
2- Je veux ensuite dessiner généreusement un magnifique Daisan
3- Pendant Hikiwake je m'ouvre comme pour embrasser un ami cher, ...mais sans excès.
4- En Kai, je veux former le kanji 楽 avec mon corps et que les gens disent "regarde on dirait le kanji de 楽しい !" ;-P

La pratique du Kyudo doit être aussi légere que l'arc et la flèche. C'est un jeu et il faut s'amuser.

Shin Zen Bi c'est la Joie, et c'est 楽しい.